La pièce dans sa dernière traduction en français, par André Markowicz, qui, remettant son manuscrit au metteur en scène Jean-Yves Ruff, le prévient : "Je n'ai rien compris !"
Boutade, provocation, humilité ou posture iconoclaste de la part du traducteur ?
Un tulle partage le proscenium de la scène derrière lequel s'animent de plantureuses créatures emprunts des attributs de la féminité ; les corps dénudés, elles figurent un bordel. En préambule, un acteur apparaît depuis les gradins des spectateurs afin d'en rejoindre un autre avancé sur le proscenium. Il est question de pouvoir.
Deuxième spectacle avec la présence de l'eau sur le plateau (cf. la semaine dernière Le Menteur à Toulouse). Un bassin dans lequel pissent deux hommes, ça fait flip-flop, flic-flac, lorsqu'un corps piétine la surface. Une fontaine côté jardin ; la mise en scène est sobre.
L'autorité est signifiée par le siège impérial placé à cour, face au bassin, de profil aux spectateurs. Un tabouret recevra le postérieur d'un servil bonhomme chauve, à la fonction de secrétaire-scribe, à l'extrémité côté cour, derrière, en biais donc, du fauteuil-trône autoritaire.
Au centre, un banc, contre la paroie du fond - en parallèle de la longueur du bassin - permet aux témoins d'observer, d'accompagner l'action de leur regard. Quatre ouvertures à angles droits autorisent les personnages à surgir de partout, métaphore des multiples lieux.
Encore au centre, en hauteur, une espèce de niche dans laquelle un automate représentant un aigle aux ailes de l'Empire, ponctue les actes et quelques scènes, avec son engrenage de mécanique d'horlogerie (cf. dans le Casanova de Fellini, il y a un automate identique, ayant la même fonction) conférant à l'espace et au silence une sensation d'inéluctable : encore un signe ici de l'ineffable, de la fatalité. "Step by step", à mesure, en mesure. Le temps souverain.
La lumière transforme délicatement l'atmosphère du plateau : d'une teinte bleuie à un bordeau sombre, d'un bassin presque nacré à des violets cardinaux, la silhouette des personnages est soulignée par un ou deux projecteurs qui semblent l'incruster dans la matière-colorée de la scène.
Si les costumes parent dignement les corps, la chair est rappelée par les tonalités impalpables des éclairages. Le jeu des acteurs met en avant la parole, le texte, bien articulé, bien dit - quasi monocorde/tone celui issu de la voix de l'actrice - comme de la plupart des comédiens, dénués d'émotion. Encore une fois, comparée aux acteurs du Menteur (excepté le menteur lui-même, joué par Simon Abkarian), ne trouve grâce à mes yeux que l'interprétation du moine - espèce de pitre - intrigant comploteur, scapin à la robe de bure, espèce de passeur entre le pouvoir et sa victime. Une image de la bouffonerie ecclésiastique offerte par Shakespeare.
Taïk de Nushaba T.
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