samedi 29 novembre 2008

Ô nostalgie ! Ô Maryline !

Une surprise, un défi, une apparition au sens arendtien du terme : une naissance, celle d'une actrice qui s'écrit son texte, qui interroge l'acte scénique en réunissant une équipe pour servir son projet théâtral. En substance : qu'est-ce qu'une femme hors les attributs qu'on lui prête, les stéréotypes qui l'obligent, les symboles qu'elle caractérise ?
Voilà donc Julie Pichavant en route sur le chemin de la création avec son Syndrome Maryline qu'elle offre à la critique d'un public invité.
Auteur, metteur en scène et actrice, Julie multiplie les casquettes avec le risque de l'incomplétude. Quelques phrases ne remportent pas mon adhésion mais cela n'a pas d'importance, par contre, j'encouragerais l'actrice à "terminer" ses gestes ; le rythme frôle la saccade et ne permet pas le plaisir. Etait-ce une ligne dramaturgique de refuser au public qu'il prenne du plaisir ? A moins que l'objectif est de déplacer le plaisir, de nous l'indiquer ailleurs où on l' attend communément ? Soyons juste, le plaisir actuel réside dans l'inattendu, l'impromptu. Très fine, subtile, l'intelligence acide se fait malmener à outrance par la brutalité de l'expression, la force de l'innocence, la certitude du partage. Il semble que l'enjeu soit le lien corps-esprit, geste-parole, regard-pensée... Et c'est cela qu'on aime sans doute : le décalage entre un sens qui se laisse découvrir peu à peu, plongé dans le cerveau d'une jeune femme en quête de son identité, et une mise en scène cash, où l'actrice se transforme, passant d'un personnage à l'autre pour mieux revenir au rôle titre. Mais est-ce vraiment Maryline ? Une descente vers la maladie ?
Vidéo-projecteur, bien sûr, le spectateur cherche l'icône, et le talent de la proposition est de n'avoir pas faibli dans la caricature mais bien dans une interprétation, dans le sens d'une appropriation. Paradoxe du syndrome : il y a rejet, une puissance de la déjection telle que le plaisir se meut en dégoût ; alors, pari réussi ?
J'aurais souhaité resentir le plaisir de l'actrice, davantage, prolonger l'intention du geste, davantage, que Julie profite du regard encore plus de son public, qu'elle accepte encore plus la respiration profonde de l'Universel. Recevoir davantage - prendre le temps (intérieur) - afin de donner naturellement et obtenir la seule chose qui manque aujourd'hui à cette étape de travail : la puissance.
Taïk

jeudi 27 novembre 2008

Qui a peur de Virginia Woolf ? - Des acteurs sans poudre aux yeux !

"Qui a peur de Virginia Woolf ?" d'Edward Albee. Les acteurs scruptent-ils les spectateurs ? Quoiqu'il en soit, nous participons de leur soirée, à la fois comme témoins et invités. Notre rôle est de constater et de prendre seulement la part que l'on veut bien saisir.

Des cadavres de bouteilles, des magazines à foison tapissent le sol, offrant à leurs pas l'instabilité des déplacements. Les sentiments tangeants, comme leurs démarches, accompagnent le couple invités confronté aux disputes de leur hôtes particuliers.
La force de la pièce réside dans un quotidien traité avec distance et recul, par l'usage métaphorique de lieux distincts : des coulisses à vue - fond-cour -, une table comme instrument de musique - fond jardin - et à la face, un salon emprunt de tas : chips au ketchup, bouteilles de bière, chaises qui basculent. Accessoiristes et personnages, les acteurs semblent signifier leur inscription dans un courant immaîtrisable, qui les dépasse ; leur respiration, leur écoute - totale - leur procurent une adhérence dans leur existence, qui en font des créateurs d'illusion vitale.

Martha et sa "Grenouille" de mari, attendent le retour de leur fils. Petit à petit on comprend qu'il s'agit-là d'un subterfuge : qu'il n'a jamais existé, ou bien qu'il est décédé, à moins encore, qu'ils rêvent d'un fils imaginaire qu'ils ne purent avoir... Perpétuant par les mots, les paroles échappées, leur fantasme, leur espoir ou leur peine. Sa présence est sans cesse convoquée par le biais de la parole réactualisant la scène de sa mémoire. Enjeu de leur crispation, de leurs failles, ce "fils" excite leur douleur, leur impuissance.

Peut-être est-ce cela que la compagnie de Koe a tenu à montrer : l'insoutenable stabilisation de la souffrance et les apparents déplacements de l'ulcération ; la démangeaison, le dérangement qui rendent bancals les rapports, les attachements comme des échos de supplices choisis. Un théâtre de la torture, une surprise sans cesse assénée, la répétition mesquine d'un ennui perpétuellement renouvelé, voilà des acteurs qui s'amusent, qui nous amusent et servent un théâtre - miroir sacré - de nos petits arrangements intimes.
Taïk de Nushaba T.