Une surprise, un défi, une apparition au sens arendtien du terme : une naissance, celle d'une actrice qui s'écrit son texte, qui interroge l'acte scénique en réunissant une équipe pour servir son projet théâtral. En substance : qu'est-ce qu'une femme hors les attributs qu'on lui prête, les stéréotypes qui l'obligent, les symboles qu'elle caractérise ?
Voilà donc Julie Pichavant en route sur le chemin de la création avec son Syndrome Maryline qu'elle offre à la critique d'un public invité.
Auteur, metteur en scène et actrice, Julie multiplie les casquettes avec le risque de l'incomplétude. Quelques phrases ne remportent pas mon adhésion mais cela n'a pas d'importance, par contre, j'encouragerais l'actrice à "terminer" ses gestes ; le rythme frôle la saccade et ne permet pas le plaisir. Etait-ce une ligne dramaturgique de refuser au public qu'il prenne du plaisir ? A moins que l'objectif est de déplacer le plaisir, de nous l'indiquer ailleurs où on l' attend communément ? Soyons juste, le plaisir actuel réside dans l'inattendu, l'impromptu. Très fine, subtile, l'intelligence acide se fait malmener à outrance par la brutalité de l'expression, la force de l'innocence, la certitude du partage. Il semble que l'enjeu soit le lien corps-esprit, geste-parole, regard-pensée... Et c'est cela qu'on aime sans doute : le décalage entre un sens qui se laisse découvrir peu à peu, plongé dans le cerveau d'une jeune femme en quête de son identité, et une mise en scène cash, où l'actrice se transforme, passant d'un personnage à l'autre pour mieux revenir au rôle titre. Mais est-ce vraiment Maryline ? Une descente vers la maladie ?
Vidéo-projecteur, bien sûr, le spectateur cherche l'icône, et le talent de la proposition est de n'avoir pas faibli dans la caricature mais bien dans une interprétation, dans le sens d'une appropriation. Paradoxe du syndrome : il y a rejet, une puissance de la déjection telle que le plaisir se meut en dégoût ; alors, pari réussi ?
J'aurais souhaité resentir le plaisir de l'actrice, davantage, prolonger l'intention du geste, davantage, que Julie profite du regard encore plus de son public, qu'elle accepte encore plus la respiration profonde de l'Universel. Recevoir davantage - prendre le temps (intérieur) - afin de donner naturellement et obtenir la seule chose qui manque aujourd'hui à cette étape de travail : la puissance.
Taïk