jeudi 27 novembre 2008

Qui a peur de Virginia Woolf ? - Des acteurs sans poudre aux yeux !

"Qui a peur de Virginia Woolf ?" d'Edward Albee. Les acteurs scruptent-ils les spectateurs ? Quoiqu'il en soit, nous participons de leur soirée, à la fois comme témoins et invités. Notre rôle est de constater et de prendre seulement la part que l'on veut bien saisir.

Des cadavres de bouteilles, des magazines à foison tapissent le sol, offrant à leurs pas l'instabilité des déplacements. Les sentiments tangeants, comme leurs démarches, accompagnent le couple invités confronté aux disputes de leur hôtes particuliers.
La force de la pièce réside dans un quotidien traité avec distance et recul, par l'usage métaphorique de lieux distincts : des coulisses à vue - fond-cour -, une table comme instrument de musique - fond jardin - et à la face, un salon emprunt de tas : chips au ketchup, bouteilles de bière, chaises qui basculent. Accessoiristes et personnages, les acteurs semblent signifier leur inscription dans un courant immaîtrisable, qui les dépasse ; leur respiration, leur écoute - totale - leur procurent une adhérence dans leur existence, qui en font des créateurs d'illusion vitale.

Martha et sa "Grenouille" de mari, attendent le retour de leur fils. Petit à petit on comprend qu'il s'agit-là d'un subterfuge : qu'il n'a jamais existé, ou bien qu'il est décédé, à moins encore, qu'ils rêvent d'un fils imaginaire qu'ils ne purent avoir... Perpétuant par les mots, les paroles échappées, leur fantasme, leur espoir ou leur peine. Sa présence est sans cesse convoquée par le biais de la parole réactualisant la scène de sa mémoire. Enjeu de leur crispation, de leurs failles, ce "fils" excite leur douleur, leur impuissance.

Peut-être est-ce cela que la compagnie de Koe a tenu à montrer : l'insoutenable stabilisation de la souffrance et les apparents déplacements de l'ulcération ; la démangeaison, le dérangement qui rendent bancals les rapports, les attachements comme des échos de supplices choisis. Un théâtre de la torture, une surprise sans cesse assénée, la répétition mesquine d'un ennui perpétuellement renouvelé, voilà des acteurs qui s'amusent, qui nous amusent et servent un théâtre - miroir sacré - de nos petits arrangements intimes.
Taïk de Nushaba T.

Aucun commentaire: