jeudi 11 décembre 2008

Le Tartuffe de Molière

Ce Tartuffe-là (mis en scène par Stéphane Braunchweig) ne va pas permettre l'indifférence. En effet, une scénographie qui révèle à ce point la profondeurs des âmes, c'est tout à coup la représentation matérialisée d'un cheminement double : une pensée commune désire s'en faire accroire jusqu'à l'absolue confiance fusionnelle qui, parvenue à son faîte, chute irrémédiablement ; et cette chute s'accompagne d'une élévation...
C'est cela qui nous est donné à voir : l'irrésistible ascension d'une croyance simultanément mise en abyme sous le niveau de la surface de la terre, où ce n'est plus de l'ordre de l'illusion qu'on s'entretient. La vérité se tiendrait-elle dans les tréfonds honteusement dissimulés et que le théâtre, seul, serait à même de révéler ?
La croix dressée jusque sur l'autel où, foin/foi/fol de sacrifice, nous assistons au détournement de la vertu afin de dévoiler la supercherie de l'hypocrite... Mais jusqu'où la bonne foi ne va-t-elle pas risquer la bascule dans le domaine des instincts et des pulsions contenues ; sans doute n'est-ce là qu'une interprétation parmis tant d'autres.
Me vient à l'esprit que Le Tartuffe pourrait s'avérer un miroir de la féminité, sinon pourquoi préciser Le Tartuffe ?
Note à compléter
Taïk

dimanche 30 novembre 2008

Mesures pour mesures de W. Shakespeare

La pièce dans sa dernière traduction en français, par André Markowicz, qui, remettant son manuscrit au metteur en scène Jean-Yves Ruff, le prévient : "Je n'ai rien compris !"
Boutade, provocation, humilité ou posture iconoclaste de la part du traducteur ?
Un tulle partage le proscenium de la scène derrière lequel s'animent de plantureuses créatures emprunts des attributs de la féminité ; les corps dénudés, elles figurent un bordel. En préambule, un acteur apparaît depuis les gradins des spectateurs afin d'en rejoindre un autre avancé sur le proscenium. Il est question de pouvoir.
Deuxième spectacle avec la présence de l'eau sur le plateau (cf. la semaine dernière Le Menteur à Toulouse). Un bassin dans lequel pissent deux hommes, ça fait flip-flop, flic-flac, lorsqu'un corps piétine la surface. Une fontaine côté jardin ; la mise en scène est sobre.
L'autorité est signifiée par le siège impérial placé à cour, face au bassin, de profil aux spectateurs. Un tabouret recevra le postérieur d'un servil bonhomme chauve, à la fonction de secrétaire-scribe, à l'extrémité côté cour, derrière, en biais donc, du fauteuil-trône autoritaire.
Au centre, un banc, contre la paroie du fond - en parallèle de la longueur du bassin - permet aux témoins d'observer, d'accompagner l'action de leur regard. Quatre ouvertures à angles droits autorisent les personnages à surgir de partout, métaphore des multiples lieux.
Encore au centre, en hauteur, une espèce de niche dans laquelle un automate représentant un aigle aux ailes de l'Empire, ponctue les actes et quelques scènes, avec son engrenage de mécanique d'horlogerie (cf. dans le Casanova de Fellini, il y a un automate identique, ayant la même fonction) conférant à l'espace et au silence une sensation d'inéluctable : encore un signe ici de l'ineffable, de la fatalité. "Step by step", à mesure, en mesure. Le temps souverain.
La lumière transforme délicatement l'atmosphère du plateau : d'une teinte bleuie à un bordeau sombre, d'un bassin presque nacré à des violets cardinaux, la silhouette des personnages est soulignée par un ou deux projecteurs qui semblent l'incruster dans la matière-colorée de la scène.
Si les costumes parent dignement les corps, la chair est rappelée par les tonalités impalpables des éclairages. Le jeu des acteurs met en avant la parole, le texte, bien articulé, bien dit - quasi monocorde/tone celui issu de la voix de l'actrice - comme de la plupart des comédiens, dénués d'émotion. Encore une fois, comparée aux acteurs du Menteur (excepté le menteur lui-même, joué par Simon Abkarian), ne trouve grâce à mes yeux que l'interprétation du moine - espèce de pitre - intrigant comploteur, scapin à la robe de bure, espèce de passeur entre le pouvoir et sa victime. Une image de la bouffonerie ecclésiastique offerte par Shakespeare.
Taïk de Nushaba T.

samedi 29 novembre 2008

Ô nostalgie ! Ô Maryline !

Une surprise, un défi, une apparition au sens arendtien du terme : une naissance, celle d'une actrice qui s'écrit son texte, qui interroge l'acte scénique en réunissant une équipe pour servir son projet théâtral. En substance : qu'est-ce qu'une femme hors les attributs qu'on lui prête, les stéréotypes qui l'obligent, les symboles qu'elle caractérise ?
Voilà donc Julie Pichavant en route sur le chemin de la création avec son Syndrome Maryline qu'elle offre à la critique d'un public invité.
Auteur, metteur en scène et actrice, Julie multiplie les casquettes avec le risque de l'incomplétude. Quelques phrases ne remportent pas mon adhésion mais cela n'a pas d'importance, par contre, j'encouragerais l'actrice à "terminer" ses gestes ; le rythme frôle la saccade et ne permet pas le plaisir. Etait-ce une ligne dramaturgique de refuser au public qu'il prenne du plaisir ? A moins que l'objectif est de déplacer le plaisir, de nous l'indiquer ailleurs où on l' attend communément ? Soyons juste, le plaisir actuel réside dans l'inattendu, l'impromptu. Très fine, subtile, l'intelligence acide se fait malmener à outrance par la brutalité de l'expression, la force de l'innocence, la certitude du partage. Il semble que l'enjeu soit le lien corps-esprit, geste-parole, regard-pensée... Et c'est cela qu'on aime sans doute : le décalage entre un sens qui se laisse découvrir peu à peu, plongé dans le cerveau d'une jeune femme en quête de son identité, et une mise en scène cash, où l'actrice se transforme, passant d'un personnage à l'autre pour mieux revenir au rôle titre. Mais est-ce vraiment Maryline ? Une descente vers la maladie ?
Vidéo-projecteur, bien sûr, le spectateur cherche l'icône, et le talent de la proposition est de n'avoir pas faibli dans la caricature mais bien dans une interprétation, dans le sens d'une appropriation. Paradoxe du syndrome : il y a rejet, une puissance de la déjection telle que le plaisir se meut en dégoût ; alors, pari réussi ?
J'aurais souhaité resentir le plaisir de l'actrice, davantage, prolonger l'intention du geste, davantage, que Julie profite du regard encore plus de son public, qu'elle accepte encore plus la respiration profonde de l'Universel. Recevoir davantage - prendre le temps (intérieur) - afin de donner naturellement et obtenir la seule chose qui manque aujourd'hui à cette étape de travail : la puissance.
Taïk

jeudi 27 novembre 2008

Qui a peur de Virginia Woolf ? - Des acteurs sans poudre aux yeux !

"Qui a peur de Virginia Woolf ?" d'Edward Albee. Les acteurs scruptent-ils les spectateurs ? Quoiqu'il en soit, nous participons de leur soirée, à la fois comme témoins et invités. Notre rôle est de constater et de prendre seulement la part que l'on veut bien saisir.

Des cadavres de bouteilles, des magazines à foison tapissent le sol, offrant à leurs pas l'instabilité des déplacements. Les sentiments tangeants, comme leurs démarches, accompagnent le couple invités confronté aux disputes de leur hôtes particuliers.
La force de la pièce réside dans un quotidien traité avec distance et recul, par l'usage métaphorique de lieux distincts : des coulisses à vue - fond-cour -, une table comme instrument de musique - fond jardin - et à la face, un salon emprunt de tas : chips au ketchup, bouteilles de bière, chaises qui basculent. Accessoiristes et personnages, les acteurs semblent signifier leur inscription dans un courant immaîtrisable, qui les dépasse ; leur respiration, leur écoute - totale - leur procurent une adhérence dans leur existence, qui en font des créateurs d'illusion vitale.

Martha et sa "Grenouille" de mari, attendent le retour de leur fils. Petit à petit on comprend qu'il s'agit-là d'un subterfuge : qu'il n'a jamais existé, ou bien qu'il est décédé, à moins encore, qu'ils rêvent d'un fils imaginaire qu'ils ne purent avoir... Perpétuant par les mots, les paroles échappées, leur fantasme, leur espoir ou leur peine. Sa présence est sans cesse convoquée par le biais de la parole réactualisant la scène de sa mémoire. Enjeu de leur crispation, de leurs failles, ce "fils" excite leur douleur, leur impuissance.

Peut-être est-ce cela que la compagnie de Koe a tenu à montrer : l'insoutenable stabilisation de la souffrance et les apparents déplacements de l'ulcération ; la démangeaison, le dérangement qui rendent bancals les rapports, les attachements comme des échos de supplices choisis. Un théâtre de la torture, une surprise sans cesse assénée, la répétition mesquine d'un ennui perpétuellement renouvelé, voilà des acteurs qui s'amusent, qui nous amusent et servent un théâtre - miroir sacré - de nos petits arrangements intimes.
Taïk de Nushaba T.

samedi 15 novembre 2008

Le Menteur de Carlo Goldoni : un rire salvateur ?

Quel merveilleux décor que celui qui nous subjugue dès l'ouverture du rideau ! Des passerelles côté cour, les pieds dans l'eau, parviennent jusqu'au centre de la scène ; côté jardin, en hauteur, une terrasse, lieu des demoiselles - objets de convoitise pour les prétendants mâles - le balcon inatteignable, un espace inaccessible. La scénographie dessine, avant toute présence, déjà, les rapports susceptibles d'animer les personnages.
Le silence des humbles laisse la place à l'opportunisme des inquiets. Le mensonge, comme "illusions spirituelles", détourne la vérité - agent séducteur - de l'amour de ces jeunes filles enthousiastes. Le statut de la parole est ainsi mis en question. Le menteur rend le public complice de sa vivacité d'esprit et de sa quête de sensualité. Vieux barbons contre jeunesse emportée, la convention est respectée. L'humour est au rendez-vous des finesses et de la dérision que le dissimulateur porte sur lui-même. Est-ce la survie ou l'excès de vitalité qui motivent son attitude ? Comportement d'autant plus remarquable qu'il s'oppose au sérieux, à la détermination des normes sociales, aux douleurs profondes insondables...
Étonnamment, cette figure du menteur nous est sympathique, tendre. L'interprétation sensible est dû au talent de l'acteur, souple et charmeur. Les personnages agissent à l'instar des masques - énergiques et dynamiques - que Goldoni a conduit : "effet papillon" avant l'heure, ni quiproquo, ni malentendu, l'absence d'explications induit un détournement de situation.
L'eau dissimule le sol, métonymie de la mer : Venise brille de ce miroir naturel. La brume symbolise la vapeur émanant de la surface ondoyante, dessinant les sinusoïdales des "pataugeurs" intempestifs.
Belle cohérence donc que nous offre l'univers scénique de ce Menteur monté par Laurent Pelly.
Cependant, la voix de Rosaura manque de mélodie. L'aspect criard et strident diminue la qualité de la proposition. Le temps véritable de l'écoute semble assujetti au rythme bien soutenu qui permet le déroulement de l'action avec un certain plaisir. Mais cette façon d'articuler le texte, selon certaines voix, sonne de façon maniérée, pas naturelle, amplifiée, comme chantée. Les acteurs(trices) semblent limiter, ou (se) limiter : réduits à s'imiter, c'est-à-dire "faire du théâtre"; la faute à qui ?
Et cela me fait trembler tout à coup, car je sens l'ennuie sourdre en moi, parce que je n'y crois plus une seule seconde, parce que c'est faux, parce que je ne sais pas ce qu'a voulu vraiment le metteur en scène, parce qu'intérieurement le doute enfle et que - me dis-je - décidément, le théâtre reste un miracle quasi impossible. A moins que j'accepte le divertissement sans trop d'exigences. Je refuse car je crois à un théâtre divertissant non dénué de rigueur. Et ce qui me contrarie dans ce travail-là, c'est de percevoir la volonté de précision malmenée par l'injustesse et le "mécanicisme" mutilant l'aspiration à la jouissance. On sent bien les échos qu'offrent cette fiction dramatique avec notre réalité politico-médiatique. Derrière cette proposition, via le texte de Goldoni, des questions surgissent : comment ce qui devrait se réclamer de la rigueur et de l'impartialité glisse dans le domaine de la sensation, du subjectif et du spectaculaire ? Comment le non-engagement crée un appel d'air provocateur dans lequel l'ambition, la prétention, la mesquinerie et la frustration s'engouffrent avec avidité ? En tout état de cause, le mensonge interroge la réalité, le menteur joue avec le réel, et lorsqu'on parle de théâtre, le spectateur - détenteur muet de la vérité - participe de cette parodie de la parole réduite finalement à néant.
Que le public formule en riant...
Taïk de Nushaba

mercredi 12 novembre 2008

Déviation, déraillement : mutilation, dévotion...

Devinette : je suis une personnalité en mal de publicité, mon copain vient de remettre sa clé au nouveau locataire de sa maison... Je m'égare, comment vous एक्ष्प्लिक़ुएर ... ?
Comment faire pour remporter votre adhésion ? Comment vous prouver que ma politique est la meilleure ? Qu'il n'y a pas mieux ? Vous vous souvenez des Twins Towers ?
Ben, et ben imaginez que mes copains ils sabotent les voies ferrées, comme en 14... non, 43 ! Bien sûr, après Vichy - on en revient - et on y revient = on a réactualisé la mémoire... alors on dirait que des professionnels de chez nous, et ben, ils auraient saboter les voies de toute la France... Incroyable, et on sait tout de suite qui sait puisque depuis 6 mois déjà nous les pistions ! Ben tiens ! Et voilà qui c'est qui : la bande à Baader ! Ben non quand même, eux c'est au cinéma, là c'est l'extrême gauche française, ben tiens ! Pourquoi pas l'extrème droite ? Parce qu'il n'y a plus d'extrême droite, alors on dit que c'est l'autre extrême qui menace comme ça, ça légitime bien ceux du milieu, et moi en l'occurence !
Car je vous le dis mes chers concitoyens, mes chers congénères qui dégénèrent, qu'ils digèrent... et ben l'insécurité est notre lot commun, DONC, suivez-moi, je vais vous montrer la voie - pas celle qu'on va bientôt exploser - non, c'est la menace pro-palestinienne, non, ce sont les bolchévik, ou bien les apaches, les indigènes du Kamtchatka... !!!
Je vous le dis, comptez sur moi pour résorber la rac... les méchants ! Voilà.
Français, françaises, ne vous laissez pas intoxiquer par les médias, la vérité sort de ma bouche, je suis là pour vous la dire, mon ami Fidel, mon ami Che, mon ami Nelson, tous sont mes amis, au pays Cosy-Cosy, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
P.S. : Je suis totalement responsable, écoutez-moi bien : quand les services spéciaux m'ont proposé l'explosion de la Tour Eiffel, j'ai préconisé davantage l'anonymat du réseau ferroviaire, ainsi ça fait moins de bruit et ça salit moins la capitale...

Alors, vous avez deviner ?
Qui suis-je ?
Taïk de Nushaba T.

dimanche 19 octobre 2008

Un théâtre sans pilote : un envol contrarié : une programmation qui s'écrase

Alors, qu'est-ce qu'on apprend sur le développement culturel dans la ville de Pennautier ?
Il se passe que le directeur Mehdi Moussa a été remercié par la municipalité afin que cette dernière reprenne les commandes. En attendant, la programmation est suspendue et ce très beau lieu - le théâtre Na Loba - va sans doute être réduit à une utilisation de modeste salle polyvalente, où la culture sera à l'image de maints lotos et bals cependant bien sympathiques.
Ce qui est dommage c'est que l'énergie et l'argent dépensés depuis plusieurs années, les investissements, les réseaux constitués, les promesses, vont simplement se volatiliser et laisser un champ sec et stérile là où un espace invitait l'imagination et les imaginaires à se déployer. Cela s'appelle un crime, ou tout au moins, une inintelligence assassine.
Taïk de Nushaba